Le bronze

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Le bronze est un alliage de deux métaux que sont le cuivre et l’étain. C’est un des matériaux marquants de l’histoire de l’humanité et d’ailleurs une des grandes périodes historiques se prénomme « Age du Bronze » (environ 3000 à 1200, dates qui dépendent des régions du monde). Le bronze a été utilisé pendant longtemps pour réaliser des armes, des parures ou des outils. Il est rapidement devenu un moyen pour les élites de se différencier notamment en se faisant enfouir avec des objets en bronze après leur mort. En Inde, c’est surtout sous la dynastie des Chola que la statuaire en bronze connaît une certaine apogée.

 

Les Chola :

 

La dynastie Chola ou Cola règne sur l’une des composantes du Trairajya (« Trois-Royaumes ») tamouls, c’est-à-dire l’une des trois régions constituant le Dravida, ou pays tamoul antique. Le Trairajya comprenait pays et dynasties Cola au nord-est, pays et dynasties Pāndya au sud-est, et pays et dynasties Cera à l’est, le dernier élément devant constituer le Kerala ou Malabār distinct du Tamil Nadu ou pays tamoul moderne. Le pays Cola comprend essentiellement les plaines de la Pālār à la basse Kāviri. Le premier roi Cola connu est Kārikāl (vers 100). Mais il semble que dès le IIe siècle ces premiers Cola soient éclipsés par les Pāndya. Et au IIIe siècle apparaît, dans le nord du Coromandel, une nouvelle dynastie, dite des Pallava, qui dominera tout le sud du Deccan pendant plus de six siècles.

Au IXe siècle renaît une deuxième dynastie Cola qui assoit son pouvoir sur Tanjore au sud du Coromandel ; puis son roi Āditya s’allie aux Pāndya et supplante définitivement les Pallava ; et enfin Parantaka (907-953), fils d’Āditya, se tourne contre les Pāndya qu’il écrase. L’unité tamoule étant faite, les Cola entament la conquête de Sri Lanka (Ceylan). L’apogée de la puissance Cola est marquée par les règnes de Rajaraja-Deva (985-1014) et de Rajendra Cōladeva Ier, son fils (1014-1044). Tous deux sont de grands conquérants. Le premier réunit à son royaume le pays Cera ou Kerala, les pays telingas de Vengi et Kalinga, de grandes portions du plateau de Karnataka, la totalité de Ceylan et jusqu’aux îles Laquedives et Maldives.

Le second étend cet empire au-delà des mers en envoyant des expéditions aux îles Andaman et Nicobar, au Pegu (future Birmanie), en Malaisie et en Indonésie ; à tel point qu’on a pu parler d’une thalassocratie Chola. C’est grâce à cette « thalassocratie » que les Chola ont influencé les arts et ont fait notamment parvenir l’art du bronze dans les pays où ils avaient envoyé des expéditions, notamment l’Indonésie. La technique du bronze cola est celle de la fonte à la cire perdue.

 

Les deux sortes de fonte à la cire perdue ; la fonte pleine à la cire perdue et la fonte en creux à la cire perdue :

 

La fonte pleine à la cire perdue :

Toutes les coulées reposaient sur un matériau intermédiaire qui est la cire d’abeille, la notion essentielle à retenir est l’idée de fonte à la cire perdue. La statuette était modelé en cire d’abeille, ensuite (toujours avec de la cire) l’artisan rajoutait les jets de coulée conduisant à l’entonnoir de coulée, qui permettait au trop-plein de métal de sortir, le chemin que devait parcourir le métal était important. Parfois dans le cas des bronzes les plus anciens on a encore des jets de coulée sous les pieds. On trouve ensuite un fin réseau de petits canaux beaucoup plus réduits qu’on appelle les évents c’est un réseau en cire, prévus pour l’évacuation des gaz qui se dégageaient de la coulée. Le dispositif était ensuite entouré d’une chape de coulée en terre réfractaire, c’est-à-dire qui supportait les fortes températures.

 

La première étape est donc seulement faite avec de la cire pour les jets de coulée, les évents, et le modèle de la statuette… Ensuite l’ensemble était retourné afin que l’entonnoir soit vers le bas, et on chauffait, ainsi la terre durcissait et la cire fondait, elle se trouvait évacuée par l’entonnoir. Au cours de cette étape la chape est donc encore intacte mais ce qui était à l’intérieur a disparu : c’est ce qu’on appelle le décirage, il ne fallait jamais à la fois la présence de la cire et du métal en fusion car sinon cela provoquait l’explosion. On se retrouve donc avec un dispositif dont les cavités sont vidées, il est à nouveau retourné. Ensuite on introduisait le métal en fusion, il s’introduisait dans les cavités : par les jets, les entonnoirs, et enfin la figurine… On se retrouvait avec une figurine en métal et non plus en cire, ensuite l’artisan détruisait la chape et coupait à la pince les jets, les évents. Dans les premiers temps les artisans n’utilisaient pas la qualité propre au métal qui est d’être malléable et de pouvoir être travaillée (par le biais du polissage, du martelage…), on sent encore la cire qui a été modelée.

 

La fonte en creux à la cire perdue :

Elle diffère de la première sur le fait que, pour économiser le précieux métal, l’artisan commence par former un noyau d’argile en terre réfractaire. C’est sur ce noyau qu’il applique ensuite la cire et qu’il modèle la statuette.

 

Ensuite l’artisan rajoute les jets, l’entonnoir et les évents. Mais il devait aussi rajouter des clous distanciateurs : on transperçait la cire de petites tiges de fer qui venaient se ficher dans le noyau en terre réfractaire et qui dépassaient de la cire et ensuite on venait enrober l’ensemble avec la chape. Les clous sont bloqués par le noyau et par la terre de la chape, le noyau ne tombait donc pas au fond du dispositif. Dans certains cas ils étaient laissés mais ils se sont corrodés avec le temps. Une fois le métal coulé, la chape était détruite : on avait le noyau, le réseau d’évent, l’entonnoir et les clous. La coulée elle-même prenait très peu de temps mais ensuite on a beaucoup de temps de reprise à froid parce qu’à partir du moment où ils ont commencé à travailler avec ces procédés les artisans ont compris qu’ils pouvaient retravailler le métal à froid (inciser, le marteler après chauffe…).

 

Les bronzes Cola :

Les formes des bronzes Chola sont très plastiques. Ils sont dépourvus d’ornements et de dessins complexes par rapport aux bronzes de la période de Vijayanagar et Nayaka Vijayanagar, le dernier grand royaume indien qui va du XIVème siècle au XVIème siècle et qui régnait sur le plateau du Dekkan. Il y a une grâce douce, une élégance restreinte et tranquille, une beauté éthérée, et surtout : une vie qui vibre dans la sculpture en bronze (sans doute que le plus important pour eux n’est pas de rendre la beauté divine des dieux mais bien de donner l’impression qu’ils sont en vie). Au moyen des expressions faciales, les gestes ou les mouvements de la posture générale du corps ainsi que par la présence d’autres bronzes comparables, nous pouvons imaginer l’environnement et le contexte religieux de la figure du dieu ou de la déesse : quels attributs elle tient ; sur quel objet, animal il s’appuie ; et ce qu’il ou elle est sur le point de faire.

Par exemple, sous sa forme Rishabaandhika ou de Vrishabavahana, nous voyons Shiva debout avec un jambe croisée sur l’autre et son bras est soulevé avec élégance comme s’il s’appuyait sur quelque chose. Dans cette posture élégante, on peut supposer que Shiva, jeune et sportif, s’appuie sur son taureau, Nandin, sur les épaules duquel il pose son bras.

La plus célèbre de toutes les icônes en bronze est celle de Nataraja ou Adavallar. Shiva est sous sa forme de seigneur de la danse cosmique, en tant que dieu de la création et de la destruction. Autour de Shiva, un cercle de flammes représente l’univers, dont le feu est retenu dans la palme arrière gauche de Shiva. Son bras avant gauche est posé sur sa poitrine, la main qui pointe vers son pied gauche levé signifie la libération, cela veut dire que le samsara (cycle des réincarnations) n’est pas la fin, on peut s’en libérer. Son pied droit piétine le nain Apasmara, qui représente l’ignorance. La main droite de Shiva est levée dans le geste d’absence de crainte (abhaya mudra) qui signifie qu’il ne faut pas avoir peur car le dieu nous protège, tandis que sa main arrière droite maintient un tambour avec lequel il bat la mesure de sa danse. Le serpent, un des attributs de Shiva, se glisse autour de son bras. Ses cheveux possèdent une croissant de lune – un autre de ses attributs – et une petite image de Ganga, la déesse de la rivière dont la chute précipitée du Ciel à la Terre, qui aurait pu détruire le monde, est brisée par la chevelure de Shiva. Shiva Nataraja ou Adavallar est également parfois  accompagné de sa consort Sivakami.

 

Le bronze en Indonésie :

Bien que les statuettes hindoues et bouddhiques en bronze constituent l’un des vestiges majeurs de la civilisation indonésienne ancienne (Ve-XVIe siècles), peu de chercheurs s’y sont intéressés. Pourtant, ce sont des objets facilement transportables qui ont de toute évidence joué un rôle dans les échanges culturels développés entre l’Inde et l’Indonésie à l’époque des Cola. Les bronzes nous permettent ainsi de mieux comprendre la nature et les directions des échanges religieux et artistiques au sein de cette partie de l’Asie où le bouddhisme et l’hindouisme ont tant inspiré la culture matérielle. Une étude comparative des styles et des iconographies des bronzes trouvés en Indonésie et de ceux découverts en Inde révèle les régions précises avec lesquelles les contacts se sont produits, tout en les situant dans le temps. Aussi, les spécialistes pensaient d’abord que la culture indienne avait été transplantée en Indonésie, suggérant la passivité et l’absence de modifications ou d’innovations de la part de la culture réceptrice. Désormais, ils mettent l’accent sur un processus bilatéral, motivé par l’intérêt mutuel des civilisations de part et d’autre de la Baie du Bengale. L’étude des bronzes nous éclaire sur les évolutions de la production et met en évidence les emprunts, les transformations et les ajouts, tant iconographiques que stylistiques, qui montrent l’originalité des artisans indonésiens. Les statuettes en bronze contribuent ainsi à une meilleure connaissance de la civilisation indonésienne ancienne et de ses liens avec l’Asie du Sud et du Sud-Est.

Même si les techniques de fonte du bronze avaient déjà atteint un haut degré de développement en Indonésie avant l’introduction de la culture indienne, les artisans indonésiens ont dû néanmoins s’adapter à la fabrication de nouvelles formes lors de l’introduction des divinités hindoues et bouddhiques et de leurs iconographies. Nous ne savons pas exactement comment les bronzes indiens ont voyagé, mais il est communément supposé que les marchands, pèlerins et autres voyageurs ont participé à leur dispersion, rapportant chez eux des images divines acquises durant leurs périples. La fonction de ces statuettes en bronze n’est pas certaine, mais on suppose en effet que les plus petites figurines étaient des objets de dévotion personnelle, placées sur des autels dans les maisons de particuliers, tandis que les plus grandes pièces devaient autrefois appartenir à des sanctuaires. Aujourd’hui encore, de nombreux artisans indonésiens continuent de produire des statuettes en bronze hindoues ou bouddhistes, certaines sont même installées dans les maisons des habitants de confession musulmane (environ 90% de la population). C’est le cas par exemple de Loro Blonyo ou de Dewi Sri.

Site de Mes Indes Galantes.

 

Les bronzes de Tanjore :

 

Tous les artistes bronziers de la région de Tanjore qui vivent dans le petit village de Swamimalai appartiennent tous au même clan, les Sthapathys, dont les ancêtres s’établirent en ces lieux (à 36 km de Tanjore) au XVIIème siècle. Ils trouvèrent là une argile d’une qualité sans pareil qui permet aux sculpteurs de réaliser de véritables prouesses : elle est si fine qu’elle épouse parfaitement les moindres détails du modèle de cire et si résistance qu’elle ne cède pas sous l’effet de la chaleur. On perpétue ici la technique traditionnelle de la cire perdue qui leur aurait été transmise, selon eux, par Brahma. Dans chaque atelier, il y en a environ une centaine dans le village, un maître sculpteur façonne dans la cire d’abeille une image divine. Tout est codifié, les proportions de l’idole, les gestes et la posture de la divinité, fixés par des siècles de tradition. Il faudra trois mois de travail, durant lesquels le modèle de cire sera perpétuellement protégé de la chaleur par un linge humide avant que les ouvriers appliquent l’argile fraîche sur la statue. Dans le moule ainsi obtenu, les fondeurs, qui entretiennent leurs feux dans les fours creusés à même le sol, verseront enfin le bronze en fusion. Ces artisans sont capables de façonner selon ces techniques des statues de bronze de plus de 2 tonnes et de 1m50 de haut qui iront dans les temples servir de support à la dévotion populaire. Le savoir-faire des artisans bronziers ne repose pas sur l’inspiration créatrice mais sur la dévotion envers le dieu dont ils réalisent l’image.   

 

Le bronze au Népal, Patan :

 

Patan (mot newari, en népali Lalitpur, la Cité de la Beauté) est la deuxième ville du Népal.

Ancienne ville royale, autrefois capitale et ville d’art, Patan est situé à 6 kilomètres au sud du centre de Kathmandou, mais les deux villes sont maintenant réunies en une seule, l’unique démarcation actuellement visible est la rivière Bagmati. C’est une des grandes villes Newari avec Kathmandou et Badgaon (Bhaktapur). La cité accueille un village de réfugiés tibétains, tout comme Dharamsala en Inde. Sa population est estimée à 280 000 habitants (2008) Patan était auparavant un grand centre d’enseignement bouddhiste, comme en témoignent les nombreux monastères éparpillés dans la ville.

Lalitpur fut choisie par l’empereur Ashoka, qui serait d’après certaines traditions le fondateur de la cité, pour y élever l’un des quatre grands stupâs qui la ceinturent, situés aux points cardinaux. Les quatre coins de Patan, soit les quatre « Ashoka stupas », représentent le symbole de la roue bouddhique de la justice (« Dharma Chakra »). Situés à Pulchowk, Lagankhel, Ébahi et Teta, les monticules sont couronnés de monuments qu’Ashoka, l’empereur bouddhiste de l’Inde, aurait érigé en 250 avant J.-C. Chaque coin de la ville, communément appelé stupa, est différent. Trois de ces buttes sont couvertes d’herbe, tandis que le quatrième est un monticule blanc coloré et orné d’un monument à son sommet. Le cœur de la ville de Patan accueille le marché public de la ville, le Durbar Square où se trouvent d’anciens palais et de temples pagodes qui regorgent de baignoires en pierre, de statues hindoues et bouddhistes, de bas-relief, de gravures et de sculptures en bronze.

La dynastie Malla règne au Népal :

 

L’époque médiévale Malla a une durée de vie très longue (de 1200 à 1768). Cette période est caractéristique d’une maîtrise, par les artistes népalais, d’éléments stylistiques et de techniques anciennes, comme celle de la cire perdue, représente l’apogée de l’art du bronze au Népal. Elle se divise en deux périodes : l’époque médiévale ancienne (XIIIe-XIVe siècle) et l’époque tardive (XVe-XVIIIe siècle). Les habitants Newar, les habitants originaux de la vallée de Katmandou, ont dominé la plupart des formes artistiques pendant cette période à la fois dans la vallée et dans l’Himalaya. Les artistes Newar étaient des maîtres pour dépeindre le monde spirituel que ce soit grâce à leurs sculptures en bronze,  leurs sculptures sur bois, leur production de terre cuite, leurs sculptures sur pierre ou leurs peintures. Très recherchés, ils ont beaucoup voyagé dans toute l’Asie, créant de l’art religieux pour leurs voisins. En conséquence, le style Newar, caractérisé par des corps sensuels et jeunes, des traits réguliers et des ornements et bijoux élégants, est devenu l’un des plus influents de l’art himalayen.

Il faut savoir qu’aujourd’hui ce qu’on appelle bronze est bien souvent seulement des alliages cuivreux qui ne sont pas vraiment du bronze mais se rapprochent plus du laiton. En effet, le prix de l’étain est extrêmement élevé et des pays comme l’Inde ou l’Indonésie qui sont riches en zinc préfèrent utiliser le laiton comme matériau (alliage de cuivre et de zinc). 

 

Vous pouvez retrouver de nombreuses statues de divinités en laiton et en alliage cuivreux sur le site de Mes Indes Galantes !

Mince Maya

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